Lors des chapitres précédents, les systèmes étudiés admettaient des signaux déterministes i.e. les mêmes causes engendrent les mêmes effets.
- états déterministes
- mesures des états déterministes
A la notion de signaux déterministes, on oppose la notion de signaux aléatoires pour lesquels le hasard intervient. Dans la pratique, les signaux sont bruités et confèrent au système un comportement aléatoire.
- des bruits se superposent aux états, on les appelle bruits détat.
- les capteurs, leur chaîne dacquisition et de traitement bruitent les mesures, on parle de bruits de mesure.
Le moteur à courant continu de lasservissement de position étudié en première année peut être caractérisé par le vecteur détat :
et le vecteur de mesure :
Bruits détat
La résistance de linduit parcourue par le courant dinduit i est à lorigine dun bruit thermique qui se traduit par un courant de bruit lequel sajoute au courant délivré par le générateur.
Lusure des liaisons mécaniques, les frottements secs sont à lorigine de vibrations qui bruitent les états vitesse et position.
Bruits de mesure
Le potentiomètre de recopie est également sujet au bruit thermique.
La chaîne de traitement ( amplificateurs, filtres, etc. ) est alimentée via des régulateurs par le réseau. Les variations de ce dernier affectent les mesures. Les éléments constitutifs de cette chaîne sont réalisés par des semi-conducteurs, ces derniers génèrent du bruit de grenaille.
Lors du chapitre consacré aux observateurs déterministes nous avons montré quil était possible de reconstruire les états non mesurés et non mesurables daprès lobservation des sorties et des commandes (sous réserve que le système soit observable). Le problème posé dans ce cours est identique, avec toutefois une difficulté supplémentaire, les états et les mesures sont bruités. Il sagit donc de reconstruire au mieux ces états. On élabore un observateur stochastique ( du grec stokhastikos conjectural ).
Le tableau suivant récapitule les stratégies élaborées en matière de commande et dobservation pour un système décrit par sa représentation détat.
Stratégie |
Commande |
Observateurs |
Placement de pôles |
Commande modale |
Observateur identité |
Minimisation dun critère |
Commande optimale LQ, principe du minimum |
Observateur stochastique : Les états et les mesures sont aléatoires, on minimise un critère statistique |
Exemple de critère statistique
Chercher une régression qui minimise la somme quadratique des erreurs.
Figure 1
Les signaux sont aléatoires, par conséquent on nen a quune connaissance probabiliste.
On considère un vecteur aléatoire x=[x1, x2...xn]T où chaque composante est une variable aléatoire (v.a) pouvant prendre un ensemble continu de valeurs. Dans ce cours, x désigne indifféremment le vecteur détat, de mesure, bruits détat et bruits de mesure.
p(x1,x2...xn)
qui vérifie : Prob(x'< x < x +dx) = p(x).dx1.dx2...dxn lévénement certain.
Illustration dans le cas d'un vecteur à 2 composantes dont les densités de probabilités sont gaussiennes.
Figure 2
La valeur moyenne ou espérance mathématique
Le vecteur est dit centré lorsque E[ X ] = 0
S
xx = Var[X] =
S
xx =
S
xx=Figure 3
La covariance peut porter sur deux vecteurs différents X et Y ou sur un même vecteur considéré à des instants différents [ X(t), X(t + t )].
On modélise les bruits détat et de mesure par des bruits blancs.
Définition et propriétés
Dans ce cours, on suppose les états et les mesures bruités par des bruits blancs. Le bruit blanc b(t) est défini comme un processus stochastique dont la densité spectrale de puissance reste constante sur une large bande. Par analogie avec la lumière blanche qui est composée de radiations de toutes les longueurs d'ondes.
Figure 4
Sbb(f) représente la distribution fréquentielle de la puissance totale du signal. Lorsque f0 ® La densité spectrale de puissance ® . La densité spectrale de puissance est par définition la transformée de Fourier de la fonction dintercorrélation qui est assimilable à la covariance Cbb(t). ( sous réserve que le signal soit à valeur moyenne nulle et en faisant lhypothèse dergodicité ).
Cov[ b(t), b(t + t ) ] = Cbb(t) = F-1{Sbb(f)} =
Figure 5
Figure 6
Quelle signification donner à Cbb(t) ?
Cbb(t) montre comment la valeur prise par b(t) influence la valeur prise par b(t + t ). En t = 0, la ressemblance de b(t) et b(t + t ) est totale et la fonction Cbb(t) est maximale. Lorsque Cbb(t) sannule, la valeur prise par b(t) ninfluence pas b( t+ t ). Les bruits sont décorrélés.
Dans le cas dun bruit blanc idéal, f0 ® , Cbb(t) tend vers une impulsion de Dirac : Cbb(t) calculée au sens des distributions vaut k.d(t- t ). La variance ® et les bruits observés à deux instants différents sont décorrélés.
Cas vectoriel
On considère le cas dun vecteur de bruits blancs ( cas des n bruits blancs associés à chaque état ou à chacune des mesures ) :
S
bb = Cov[b(t), b(s)] = B(t).d(t-s)S
bb=Dans la suite de ce cours on note :
la moyenne de X
la covariance de létat
W(t) le bruit détat, blanc et centré, stationnaire
la covariance du bruit détat
V(t) le bruit de mesure, blanc et centré, stationnaire
la covariance du bruit de mesure
les bruits détat et de mesure sont non-corrélés
les bruits de mesure et les états sont non-corrélés
létat initial et les bruits détat sont non-corrélés
Le système est décrit par sa représentation détat. Les état et les mesures sont bruitées par des bruits blancs. On ne sinteresse pas à la commande qui est déterministe. On se propose pour un tel système de décrire les lois dévolution des deux premiers moments statistiques, lespérance et la variance.
Figure 7
Un tel système, excité par des bruits détat et de mesure est appelé processus stochastique. Il est composé :
Un processus stochastique de mesure
Y = C.X + V
Figure 8
Evolution de lespérance
:Evolution de la covariance
:Un processus stochastique Markovien peut être décrit comme létat dun système excité par un bruit blanc. Il est équivalent de montrer quun processus Markovien est dun point de vue stochastique un processus à mémoire minimale i.e.
Pour un processus gaussien dont la densité de probabilité est complètement caractérisée par sa moyenne et sa variance, cela revient à écrire que lévolution future (t > u) de ces moments statistiques est conditionnée par E[x(u)] et Var(x(u)). Le passé i.e. la connaisance de E[x(t1)], Var(x(t1)) nenrichit pas la connaissance des phénomènes étudiés.
Figure 9
Avant détablir les propriétés dun tel processus, on rappelle les résultats relatifs à la résolution de léquation détat,
y
est la matrice de transition dont les propriétés sont rappelées en annexe (3), (4), (5)."
q < t0, X(q) napporte aucune information quant à lévolution de la trajectoire détat. Toute linformation est contenue dans X(t0). Cest un cas de figure analogue à celui des processus Markoviens.Daprès la figure précédente, on a :
Evolution de lespérance
:
|
En dérivant S(t) par rapport au temps et en tenant compte des propriétés de la matrice de transition, il vient :
|
Ces deux résultats sont par la suite dun intérêt capital
. Leur démonstration est donnée en annexe.Remarque : Lorsque le bruit d'état agit à travers une matrice B, on a :
On veut réaliser un observateur linéaire qui reconstruise au mieux les états du système. On rappelle que ces derniers ainsi que les mesures sont bruités. Pour reconstruire le vecteur détat on dispose de lensemble des mesures Y jusquà linstant t. Un bon estimateur doit annuler lerreur destimation. Dans le cas dun observateur stochastique, on raisonne sur des considérations probabilistes, il faut que l'erreur destimation en moyenne soit nulle et que la dispersion de lerreur autour de zéro soit la plus petite possible.
Figure 10
Equations de lestimateur :
En effet :
qui admet la solution :
Le second membre est de moyenne nulle puisque les bruits sont par hypothèse centrés ; le premier terme est nul si les conditions initiales sont parfaitement déterminées, alors e(t0)=0.
Figure 11
La méconnaissance des conditions initiales, une mauvaise modélisation du système sont à l'origine d'un biais sur l'estimation. On peut également citer l'existence d'une erreur systématique sur un capteur ( exemple tension doffset qui sajoute à la mesure ).
Le qualifiquatif au mieux suppose au sens dun critère . Le critère retenu est la minimisation de la variance de lerreur destimation. Soit L la variance de lerreur destimation,Détermination du gain de Kalman
Le problème consiste à déterminer la matrice L qui minimise la variance de lerreur destimation. Pour cette démonstration on exploite largement les résultats sur les processus markoviens démontrés en annexe.
Cest léquation dun processus Markovien, on a :
Pour déterminer la valeur de L* de L qui minimise L, ( soit L*cette valeur ), on pose :
L = L* + dL et L = L* + dL
dans léquation de la variance de lerreur destimation.
dont la solution est daprès les résultats précédents:
Chercher L qui rende la variance de lerreur destimation minimale veut dire que toute variation
dL autour de L* doit engendrer une variation dL positive.Figure 12
Pour obtenir cela, il faut :
- initialiser le filtre de façon optimale, i.e. avec L(t0) minimale, alors dL(t0) > 0
- choisir :
|
ainsi, le terme qui apparaît sous lintégrale est nul. quelque soit dL.
En reportant :
dans léquation de dL / dt, il vient :
|
C'est une équation de Riccati
à intégrer avec la condition initiale
L(t0).Remarque 1
:Remarque 2
: La condition initiale L(t0) dépend de la connaissance que lon a a priori de létat du système. On peut néanmoins daprès la connaissance initiale que lon a du système chercher létat initial estiméEt,
S
0 est la variance de létat initial, matrice strictement positive, le second terme est une matrice de variance, également positive quon peut au mieux annuler. L0 est minimale et égale à S0 pourRemarque 3
: Le filtre de Kalman ne fonctionne que sil y a du bruit de mesure. Autrement dit, R doit être définie positive ( elle admet alors une inverse ).Remarque 4
: Il peut arriver que L(t) diverge, auquel cas, il faut réinitialiser le filtre.Remarque 5
: On pourrait établir la dualité entre le problème de lobservateur optimal et le problème de la commande optimale.Soit un module "retour sur terre" dont on cherche à estimer la vitesse lors de sa traversée de l'atmosphère.
Figure 14
Equations du système
:Seule la mesure de la vitesse est bruitée. Le bruit b(t) est blanc, gaussien, centré et de variance égale à r,
On note S la variance de l'état vitesse,
L
la variance de l'erreur d'estimation.L'état initial est connu avec une espérance égale à 15 m/s et une variance S0 ,
Pour simplifier, le véhicule est de masse unitaire.
On cherche le filtre de Kalman qui minimise lerreur destimation de la vitesse.
Identification : A = -f, C = 1, R = 1, Q = 0
Remarquons que la variance de l'erreur d'estimation à l'instant initial L0 est inconnue , elle est au moins égale à S0 d'après la remarque 2.
Equation de la variance de lerreur destimation :
Equation du gain de Kalman :
Tous calculs faits :
Remarquons que lorsque t ® + le gain de Kalman devient stationnaire L = 2.f.
Equation d'évolution de l'estimation :
Plusieurs cas sont étudiés.
Première simulation
L'état initial est connu par sa moyenne égale à 18 m/s et sa variance égale à 1. Ces valeurs sont obtenues par l'expérience qu'on a des phénomènes étudiés, par les modèles qu'on a établis etc. D'après la remarque 2, on fixe l'état initial estimé à 18 m/s.
L'état initial réel vaut en fait 20 m/s, l'estimation initiale doit cependant être correcte car l'état réel est cerné dans un intervalle de +/- 3s0 autour de la moyenne ( s0 désigne l'écart type, racine carré de la variance ).
Interprétation des résultats : Le filtre est correctement initialisé, rapidement, le gain de Kalman tend vers 0, il fait confiance à l'estimation ; puisqu'il n'y a pas de bruit d'état, il ne sert à rien de faire des mesures si ce n'est à ajouter des erreurs !
Figure 15
Seconde simulation
L'état initial est connu par sa moyenne égale à 18 m/s mais cette valeur est très incertaine aussi sa variance est choisie égale à 100. Lors de la simulation, on fixe la valeur de l'état initial estimé à 50 m/s ( On remarquera qu'on est à la limite supérieure de l'intervalle de confiance +/- 3 s0 ).
L'état initial réel vaut en fait 20 m/s.
Interprétation des résultats : Le filtre est correctement initialisé, le gain de Kalman est important ( 100 ), il fait confiance à la mesure. Celle-ci permet dans un premier temps de cerner correctement la valeur de l'état ( L'état estimé tend rapidement vers l'état réel). Aussi, dans un second temps, le filtre ayant "rattrapé l'erreur", il est possible de faire confiance à l'estimation puisqu'il n'y a pas de bruit d'état ( gain de Kalman égal à 0 ).
Figure 16
Simulation 3
Dans cette simulation, le filtre est mal initialisé, on suppose bien connaître l'état initial qu'on fixe à 50, bien connaître l'état initial cela suppose une faible variance, on choisit S0 égale à 1. En fait l'état initial réel est égal à 20.
Interprétation des résultats : Le filtre lors de l'initialisation fait confiance à l'estimation ( variance initiale petite ), or celle-ci est complètement erronnée, ce qui explique le temps relativement long mis pour rattraper l'erreur ).
Figure 17